Vivez une expérience de diversité, d’inclusion et d’exploration infinie avec Mini Mondo
Comprendre l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Mini Mondo n’est pas une exposition scientifique comme les autres.
La nouvelle exposition permanente du Centre des sciences de Montréal permet aux enfants jusqu’à 7 ans de s’aventurer dans un « mini » monde fascinant et interactif.
Non seulement s’agit-il de la seule exposition du centre destinée à ce groupe d’âge, mais c’est aussi la première créée à partir de l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+).
ACS+ est un outil du gouvernement fédéral mis à la disposition des organismes et des instances gouvernementales pour évaluer les inégalités systémiques dans leurs programmes et la façon dont les différents groupes de personnes perçoivent leurs politiques et initiatives. Le but de l’ACS+ est de créer des programmes équitables et inclusifs de A à Z. Cet outil a joué un rôle important dans divers projets complexes, comme les campagnes de sensibilisation aux drogues, mais a aussi servi à améliorer des procédures aussi simples que celle du déneigement municipal.
Dans le cas de Mini Mondo, le but global visé avec l’ACS+ était simple : créer une expérience inclusive dans laquelle se reconnaîtront plusieurs familles différentes. La façon d’y arriver l’était moins, puisqu’il était nécessaire d’adapter l’outil à l’expérience de l’exposition. L’ensemble du processus nécessitait une grande objectivité du côté de l’organisation et est donc préférable de le confier à une tierce partie qui s’avérait neutre. La COVID-19 ajoutait aussi une couche de complexité à l’implantation du processus, puisque le Centre des sciences de Montréal était fermé au public, conformément aux restrictions provinciales. Cet élément signifiait donc que tout le processus, et la mise en place de l’exposition devaient s’effectuer dans le respect des mesures sanitaires et de distanciation physique.
S’attaquer aux biais inconscients et à la notion de « nouvel immigrant »
La première étape consistait pour l’équipe du projet à identifier le groupe cible qui serait au cœur de l’analyse et de l’exposition. Après avoir consulté une gamme d’intervenants, dont des employés, des groupes communautaires, et d’autres dirigeants de musée, l’équipe, en collaboration avec la firme externe spécialisée sur le sujet, Humain Humain, a décidé de se concentrer sur un groupe désigné, soit les « personnes issues de l’immigration ». (Comme dans tous les projets ACS+, la justesse culturelle du langage utilisé était essentielle.) L’expression était matière à débat pour l’équipe.
« Que signifie être un nouvel immigrant ? » a demandé Méralie Murray-Hall, anthropologue et ethnographe chez Humain Humain. Elle remarque que l’expression ne tient pas compte des réfugiés et des gens qui se trouvent au Canada sans statut officiel.
« Au bout de cinq ou de 20 ans, est-on toujours un nouvel immigrant? C’est vraiment difficile à établir. La catégorie est trop floue. »
Dans le cadre du processus ACS+, il ne suffit pas que d’identifier le groupe cible. L’équipe doit aussi procéder à une analyse profonde des défis auxquels les personnes issues de l’immigration font face et comprendre comment le Centre des sciences de Montréal les alimente inconsciemment. Plusieurs rondes de consultations ont eu lieu avec les intervenants, et plusieurs obstacles ont été identifiés : racisme systémique, sécurité alimentaire, isolement, langue, instabilité financière, charge sur les mères de familles, entre autres.
De manière générale, les professionnels du Centre des sciences de Montréal s’appuient, non seulement sur leur vaste expérience dans domaine muséal, mais aussi sur leurs connaissances personnelles, comme leur éducation et leur vécu pour prévoir et créer de nouvelles expositions. Comme dans la plupart des institutions muséales, le contexte et les expériences des employés sont souvent similaires, ce qui peut créer des lacunes et des angles morts.
« Cela signifie que les décisions prises lorsqu’on développe un projet ou un programme… on les fait parfois en fonction de soi-même ou à partir de notre expérience personnelle » déclare Cybèle Robichaud, directrice au Centre des sciences de Montréal. « Un des défis a été d’accepter cette réalité-là, le fait que malgré la qualité de nos projets, il y a des moments où on n'est pas conscient des répercussions de certaines décisions qui peuvent limiter l’accès à un public plus diversifié. C'est dur à accepter. »
Ces biais inconscients entraînent des répercussions dans toute l’attraction touristique. L’expérience est souvent conçue pour un auditoire familier qui reflète ou inclut rarement, dans ce cas-ci, des personnes issues de l’immigration. Par exemple, l’information et la documentation d’une exposition ne sont souvent rédigées qu’en français et en anglais, et ce, dans un langage soutenu. Ce qui signifie qu’une personne dont la langue maternelle est différente peut avoir des défis à comprendre ce qui leur est présenté. De tels biais, quoiqu’involontaires, renforcent l’isolement ressenti par plusieurs familles immigrantes.
Dans le cas de Mini Mondo, l’équipe avait une occasion en or de continuer à faire progresser et de créer une expérience que toutes les familles, peu importe leur contexte culturel, pourraient apprécier, en toute équité. Une question demeurait : comment?
Aller à la source
L’équipe avait une vision claire de Mini Mondo : concevoir un univers divisé en trois zones distinctes qui inclue la ville, la forêt et la rivière. Chaque zone présenterait des objets, des structures, des odeurs et des sons qui stimuleraient les sens et inciteraient à l’exploration. Pour créer une exposition dans laquelle se retrouveraient des enfants issus de divers contextes, il fallait socialiser et partager cette vision auprès de membres du groupe cible (un élément essentiel de l’ACS+).
L’équipe a sondé de nombreuses familles du groupe cible pour comprendre leur réalité. Plusieurs entrevues avec des intervenantes au sein d’organismes et des familles issues de l’immigration ont révélé des éléments essentiels à considérer, dont l’importance d’inclure des éléments multiculturels et d’ajouter des éléments multilingues. De plus, l’équipe du Centre des sciences de Montréal se devait d’être sensible et de reconnaître que la culture et le contexte des visiteurs pourraient avoir un impact sur leur expérience avec les éléments interactifs de Mini Mondo.
Les répondants transmettaient un message clair : ils voulaient se voir représentés avec authenticité dans cette exposition, et ce, en tenant compte de leurs réalités particulières : culture, vie quotidienne et situations de racisme, pour n'en citer que quelques-unes.
Munie de cette information, l’équipe a revu sa vision de Mini Mondo et s’est préparée à y apporter les modifications nécessaires pour répondre à ce besoin.
Un nouveau chapitre s’amorçait au Centre des sciences de Montréal
La planification a commencé et près de deux ans plus tard, Mini Mondo pouvait accueillir le public.
L’exposition finale présente plusieurs modifications apportées à la suite des commentaires obtenus lors des consultations avec le groupe cible. Par exemple, partout dans l’exposition, on peut voir des représentations visuelles de personnes issues de divers contextes. Et plusieurs éléments interactifs sont expliqués en français, en anglais, en créole, en arabe, en espagnol et en chinois simplifié reconnaissant ainsi les langues les plus parlées parmi les personnes issues de l’immigration récente à Montréal.
Une épicerie intégrée a été conçue comme un magasin d’alimentation multiculturelle où les enfants, peu importe l’origine de leur famille, peuvent se reconnaître dans les aliments et les épices qui s’y trouvent. Au départ, il était question d’en faire une zone zéro déchet où les enfants seraient invités à devenir des citoyens sensibles à l’environnement. Cette idée a été rejetée lorsque l’ACS+ a révélé que ce genre d’épicerie se trouve habituellement dans des quartiers aisés ou embourgeoisés.
L’avenir de l’ACS+ au Centre des sciences
Même si la pandémie a réduit de façon dramatique le nombre de visiteurs au Centre des Sciences (depuis mars 2020, l’attraction n’a été ouverte que quelques mois), les commentaires des visiteurs ont été positifs jusqu’ici. L’équipe poursuit cependant son travail d’ACS+. D’autres évaluations sont prévues dans les mois à venir, alors que l’équipe compte explorer de nouvelles avenues publicitaires et promotionnelles, comme la radio communautaire, pour toucher plus efficacement le public cible.
Dans le cas de Mini Mondo, l’apport de l’ACS+ s’achève, mais ce n’est qu’un début pour le Centre des sciences de Montréal. L’exercice a permis à plusieurs employés de découvrir leurs propres angles morts et a donné l’occasion de pratiquer une inclusion plus grande et plus authentique dans leurs programmes. La réalité, cependant, est que l’application de l’outil ACS+ à toutes les expositions demeure un défi puisqu’il s’agit d’un processus exigeant en temps et en ressources.
« Il faut que ce soit vraiment émis de manière claire et l’ACS+, c'est juste comme un petit levier pour amener ces réflexions-là » explique madame Murray-Hall. « Ce qui est important, c'est qu'il y a une mouvance constante de réflexions autour de l’inclusivité, puis de l'intégration, davantage de représentativité de la diversité. On ne souhaite pas que ce soit une externalité, une question qu'on se pose à la dernière minute. Il faut toujours y penser en amont de tous les projets, avant même que ce soit dans l’idéation et la conception. »
Ce n’est pas une tâche facile, mais le Centre des sciences de Montréal s’est engagé à faire sa part. L’équipe met à profit les apprentissages du projet Mini Mondo pour intégrer l’ACS+ dans le processus de réalisation des projets à venir. Le musée explore également de nouveaux partenariats qui lui permettraient d’offrir plus souvent des rabais ou même des billets gratuits à certains groupes (le centre a déjà établi un partenariat avec la Fondation familiale Trottier.)
Pour tous ceux qui ont participé directement au projet Mini Mondo, l’ACS+ a non seulement apporté une valeur ajoutée à l’exposition, mais constitue le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire du Centre des sciences de Montréal.
« On y voit certainement une plus-value pour l'expérience visiteur, on y voit une plus-value qui contribue à l'atteinte de notre mission, puis définitivement, nous, comme gestionnaire d'institution. Finalement, on y trouve aussi beaucoup de satisfaction à rejoindre autant de public, de nouveaux publics, tout en s’assurant qu’ils se sentent les bienvenues chez nous, » déclare madame Robichaud.
« C'est comme une nouvelle porte qui s'ouvre pour nous finalement. »